“Quand Malik Oussekine meurt sous les coups de la police, sa famille se bat pour obtenir justice”. Avec la sortie de la mini-série Oussekine le 11 mai 2022, Disney+ a remis au cœur de l’actualité la tragique histoire de Malik Oussekine, devenu le symbole de la lutte pour la justice et l’égalité pour toute une génération. C’est la recommandation de la semaine de Récits d’Algérie, par Farah.
Malik Oussekine
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Miloud Oussekine combat, aux côtés de l’armée française, le nazisme et l’occupation. Il fait partie de ces hommes à qui la France doit sa dignité grâce à sa libération. Monsieur Oussekine retourne ensuite dans son pays, en Algérie, paradoxalement sous le joug de la colonisation française depuis maintenant bien plus d’un siècle. Un paradoxe de l’Histoire.
Fin de la Seconde Guerre mondiale, la France est victorieuse mais il faut tout reconstruire. L’immigration est la bienvenue, il faut des hommes pour bâtir le pays. De la main d’œuvre étrangère, non mieux, indigène. La venue des Algériens en métropole est facilitée ; ils reconstruiront les routes et les villes françaises, auront de l’argent pour nourrir leur famille, puis retourneront chez eux. Miloud Oussekine rejoint la métropole pour travailler dans les mines de charbon de Thionville. Il est ensuite recruté en tant que maçon et chauffeur routier. En 1953, il fait venir d’Algérie sa jeune épouse, Aïcha. La naissance des enfants, l’école, les attaches de ces derniers au pays dans lequel ils sont nés…Les Oussekine ne retournent finalement pas en Algérie mais s’installent à Meudon-la-Forêt, où ils élèvent leurs enfants, Fatna, Mohamed, Ben Amar, Sarah, Malik…
Malik, le dernier, est né en 1964 et fait face à ses problèmes de santé avec la force dont seules les personnes à la hauteur des épreuves qui leur sont destinées sont capables. Malgré les dialyses, il s’entraîne au basket-ball et joue de la guitare. En 1978, il a 14 ans lorsqu’il perd son père.
La nuit du 5 décembre 1986
En 1986, Malik a 22 ans, il est étudiant, il se questionne sur sa foi, il aime aussi le jazz. Le soir du 5 décembre, il sort d’un concert et rentre chez lui à pied. Des agitations dans les rues l’intriguent, mais il se sait en sécurité dans son pays. Il continue son chemin.
Malik ignore que des voltigeurs ont reçu l’ordre de disperser des étudiants qui manifestent contre le nouveau projet de réforme universitaire. Malik ignore également ce que ses traits d’Arabe, qu’il porte sur son visage et ses cheveux, peuvent représenter aux yeux de policiers.
L’atmosphère s’alourdit. Les voltigeurs, à moto, le prennent en poursuite. Malik est seul face à trois policiers. Mais il ne les aperçoit pas ; il est tard, il fait sombre, leurs visages cachés par leurs casques, leurs corps par leur tenue de service, leurs mains par leurs gants de motards. Malik sent le danger, il court. Dans sa course, il aperçoit un homme qui rentre dans son immeuble. Il frappe de toutes ses forces pour que le jeune homme lui ouvre la porte, qu’il lui offre un espoir de protection. Il ouvre, Malik entre dans l’immeuble, et puis c’est la demi-seconde de trop. Les policiers pénètrent au sein du hall, trouvent Malik, le frappent violemment. Ils le tabassent, à mort. Ils tuent Malik.
Le procès
A la différence de la mort de Abdelwahab Benyahia, tué quelques heures plus tôt par un policier hors service et ivre, dans un café à Aubervilliers, celle de Malik Oussekine a un fort retentissement médiatique. La mort de Malik Oussekine devient “l’affaire Malik Oussekine”. L’histoire de l’étudiant franco-algérien tabassé par la police marque toute une génération de jeunes qui scandent son nom dans les rues, qui veulent dénoncer le racisme manifestement trop profondément ancré dans les institutions du pays. C’est le début d’un calvaire judiciaire pour la famille, qui se retrouve du jour au lendemain endeuillée, puis au cœur d’un jeu médiatique et de manœuvres politiques.
La famille Oussekine doit alors attendre trois douloureuses années pour une réponse judiciaire au crime de policiers en service. Sur les trois policiers, seule la culpabilité de deux d’entre eux n’est retenue. Ces derniers écopent de prison avec sursis ; l’un cinq années d’emprisonnement et le second trois, sans mention dans son casier judiciaire. Les policiers qui ont tué Malik Oussekine ne passeront pas une seule nuit derrière les barreaux.
Le cinéma pour la mémoire, la mémoire contre l’oubli
Comme le dit Faïza Guène, co-scénariste de la série : “Il faut aller chercher du côté de la mémoire pour comprendre ce qu’il nous arrive aujourd’hui” (France Inter, le 10 mai 2022).
La série Malik Oussekine, réalisée par Antoine Chevrollier et produite par Disney+, retrace la mort de Malik Oussekine à travers le prisme familial. En quatre épisodes, la série donne, par le cinéma, justice à la famille Oussekine, digne dans toutes les épreuves qu’elle traverse : le deuil, le racisme, l’exposition médiatique, les manœuvres politiques, le combat judiciaire…La réalisation, l’écriture, la documentation, axées sur la mémoire et la transmission font ressortir plusieurs subtilités propres à l’identité franco-algérienne. Elles rendent cette famille authentique. Au-delà de l’importance des faits relatés, de la nécessité d’inscrire l’histoire de Malik Oussekine dans la mémoire collective, la justesse de l’écriture et de la réalisation permet aussi de rendre justice à toutes les familles algériennes qui vivent en France. On a enfin une production qui ne caricature pas l’identité algérienne et la culture musulmane. On ne peut qu’être satisfait d’une production qui reflète nos identités sans les travestir pour plaire aux attentes du public. D’une narration de nos trajectoires et nos récits avec justesse et authenticité, loin des caricatures.
“Il faut aller chercher du côté de la mémoire pour comprendre ce qu’il nous arrive aujourd’hui”
– Faïza Guène
Cependant, après avoir visionné Oussekine, c’est un autre ressenti qui me traverse, très distinct mais étroitement lié : l’indignation. L’indignation, l’injustice, le dégoût, la haine. La haine liée à la mort d’un innocent, des cœurs noirs de certains hommes conditionnés par leur racisme, d’un système qui laisse perdurer tant de violences. Car au fond, qu’est-ce qui a changé, aujourd’hui ? La semaine dernière, le jeune Mahedine Tazamoucht, 19 ans, a porté plainte pour actes de torture et barbarie contre plusieurs policiers du commissariat de Juvisy, dans la nuit du 9 mai 2022. L’indignation est toujours la même : jusqu’à quand faudra-t-il porter ces mêmes combats, supporter les mêmes histoires ?
A la mémoire de tous les Malik Oussekine
Par Farah