Nos richesses – Kaouther Adimi (2018), Prix Renaudot des lycéens, prix du meilleur roman des lecteurs de Points, prix « la liste Goncourt – Le Choix de l’Italie », prix du Style.
Kaouther Adimi est une écrivaine née à Alger, qui habite aujourd’hui à Paris. Nos richesses est son troisième roman paru en 2018 et primé par plusieurs prix littéraires. C’est la recommandation de la semaine de Récits d’Algérie. Par Mayssa.
Une histoire de livres
Nos richesses est le récit de Ryad, étudiant à Paris, qui se rend à Alger dans le cadre de ses études, à l’occasion d’un stage. Sa mission est des plus surprenantes : il est chargé de fermer une ancienne librairie fondée par le célèbre Edmond Charlot. Cette entreprise de destruction – à la fois de livres et de l’histoire du quartier – est très mal accueillie par les riverains. Parmi eux, Ryad fera la rencontre d’Abdallah, un homme âgé qui veille sur les livres depuis le départ de Charlot, avec qui il travaillait à l’époque. Un lien fort se crée entre le vieil homme et Ryad, qui ouvre enfin les yeux sur l’importance que revêtait cette librairie pour les habitants du quartier.
Lieu chargé d’histoire, la librairie-maison d’édition Les Vraies Richesses a été fondée par le jeune Edmond Charlot en 1935, qui souhaitait promouvoir des auteurs méditerranéens. Il a notamment édité Albert Camus. Les algérois ont vu cette librairie naître, grandir, souffrir des difficultés liées à la censure, au rationnement du papier, etc. L’écrivaine nous plonge dans le carnet personnel d’Edmond Charlot, duquel transparaît sa passion pour la littérature.
« 5 mai 1936. Ce sera une bibliothèque, une librairie, une maison d’édition, mais ce sera avant tout un lieu pour les amis qui aiment la littérature et la Méditerranée. » (page 36 éditions Points)
Une histoire de l’Algérie coloniale
Le récit évolue entre deux époques : depuis 1930, en passant par la seconde guerre mondiale et enfin 1961 ; et Ryad qui arrive à Alger en 2017. Le roman rend compte de la vie sous domination coloniale : des volontés de révolte algérienne bien avant la Révolution, des massacres de 1945… Il nous fait part aussi de la vie sous occupation allemande pour les colons installés en Algérie en ce temps.
Kaouther Adimi évoque subtilement mais brillamment le contraste entre les préoccupations des Algériens et des Européens : quand les uns ouvrent des librairies et publient des revues de littérature, d’autres n’ont pas accès à l’instruction qui était leur était pourtant ouverte avant la colonisation. Abdallah notamment, n’avait pas pu aller à l’école avant l’indépendance mais a trouvé sur le tard l’amour des livres, adossé à la fameuse librairie.
« Nous sommes les indigènes, les musulmans, les Arabes. Seule une poignée d’entre nous peut faire scolariser ses enfants lorsque par miracle il y a une place dans les trop rares écoles pour indigènes. Il faut aussi pouvoir se passer de l’aide de l’enfant dans les exploitations agricoles détenues par de grandes familles coloniales. » (page 26 éditions Points)
Ainsi, l’auteure nous offre un récit émouvant, abordant une histoire par un angle nouveau, et faisant vivre une aventure littéraire algéroise.
Par Mayssa