« Un maillot pour l’Algérie », c’est une autre histoire de l’indépendance : celle de l’équipe de football du FLN. Une lutte peu connue, transmise dans une bande-dessinée captivante par des amateurs d’histoire et de football, les bretons Kris et Bertrand Galic. C’est la recommandation de la semaine de Récits d’Algérie, par Ranine.
Sétif, 1945. Des cris retentissent. « Istiqlal ! », « Vive l’Algérie indépendante », « les Français dehors ! ». Au milieu de la foule, le jeune Rachid cherche son ballon. Sa quête l’amène à un massacre qui bouleverse sa vie. Le garçon de 9 ans regarde, bouche bée, des automitrailleuses tirer sur des dizaines, peut-être des centaines d’Algériens. Treize ans plus tard, les « gamins de Sétif », Rachid Mekhloufi et ses amis Mokhtar Arribi, Amar Rouaï et Abdelhamid Kermali participent à la création de la première équipe nationale algérienne. En refermant le livre, nul ne peut se sentir indifférent car cet album dessiné, c’est une histoire d’hommes : à travers d’autres visages de la révolution, on découvre des personnages avec une vie de famille, des moments de joie et de peine. On y découvre aussi la force d’un groupe, d’une équipe unie, malgré des désaccords, par la même volonté d’amener son pays à l’indépendance. On y découvre le dévouement, parfois en dépit de leur vie personnelle, des footballeurs pour la nation algérienne.
« Le monde entier doit savoir qu’il y a une guerre en Algérie, et que des hommes sont prêts à tous les sacrifices au nom de la liberté, pour affirmer leur droit à l’indépendance » – Mohammed Boumerzag, fondateur de l’équipe nationale algérienne
L’album aborde aussi la question de l’identité, car c’est pour un drapeau et un hymne que nos personnages se battront sur une centaine de pages. Alors que la FIFA ne les reconnaît pas et menace de sanction toute équipe qui jouerait contre eux, les révolutionnaires en short ne rangent pas leurs crampons. Irak, Jordanie, Yougoslavie, URSS, Pologne, Chine, Vietnam… en tout, l’équipe du FLN dispute 83 matchs en trois ans, remportant 57 d’entre eux. Pour le FLN, un objectif : médiatiser la guerre d’indépendance, faire savoir au monde entier qu’un pays au nord de l’Afrique se bat pour sa liberté et son identité. Et, au passage, priver la France de plusieurs de ses meilleurs joueurs à la coupe du monde de 1958.
Au fil des dessins de Javis Rey, on suit ce tour du monde, depuis leur départ de France en 1958 jusqu’au lendemain de l’indépendance, sur un fond d’humour justement dosé. Documentée par les auteurs pendant plus de trois ans et fidèlement scénarisée, la bande-dessinée documentaire et historique permet aussi de plonger dans les grands moments des matchs les plus mémorables de l’équipe nationale algérienne. Émotions prévues donc, tant pour les passionnés de football que pour les férus d’histoire, autour des « fellaghas du ballon rond ».
Par Ranine Kezal