Bienvenue sur Récits d’Algérie ! Récits d’Algérie est une plateforme collaborative et intergénérationnelle visant à recueillir les mémoires de la guerre d’Algérie, des deux côtés de la Méditerranée.
Pourquoi ce projet, Récits d’Algérie ?
Tout a commencé lors d’une discussion avec ma mère, par laquelle elle m’apprend les atrocités qui ont été commises au sein de la famille durant la colonisation française en Algérie. C’est donc comme ça qu’à 19 ans j’apprends que mon grand-père a perdu son frère, et qu’il n’a jamais pu faire son deuil.
On est au milieu des années 1950, le début de la guerre. Les Algériens luttent contre la colonisation française. Mon grand-père travaille déjà depuis ses 10 ans en tant qu’agriculteur, son frère est pour sa part un “lettré”, un “intellectuel”. Il est tué avec d’autres Algériens par les soldats français, sans que son corps ne soit retrouvé. Porté disparu, ma famille n’aura jamais eu l’occasion de le voir une dernière fois, ni de se recueillir auprès de lui. Alors, naissent les hypothèses: a-t-il été tué car les personnes que l’on estimait “cultivées” représentaient de potentiels dangers, susceptibles d’éveiller les esprits à la révolution ? S’est-il simplement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment ? Personne n’a la réponse.
C’est donc à 19 ans que tout s’éclaire. Je comprends surtout le traumatisme. Je comprends mieux pourquoi personne ne m’a jamais parlé de la colonisation et de la guerre pour l’indépendance au sein de ma famille. Il y a toujours eu comme une sorte de mutisme ambiant, un sujet délicat qui ravive de trop grosses plaies, toujours vives plus de 60 ans après.
Et puis, un sentiment étrange s’installe en moi. Les mots de ma professeure d’histoire du lycée résonnent dans ma tête, et me frappent. Pourquoi m’a-t-on, durant ma scolarité, présenté les relations France-Algérie comme “une histoire d’amour qui a échoué” ? Je n’ai d’ailleurs jamais étudié la guerre d’Algérie durant ma scolarité. Ces mots résultent d’un cours de 30 minutes accordé à 132 ans de colonisation française en Algérie. C’est faible, c’est dérisoire, c’en est presque méprisant.
Et c’est donc comme ça que maman continue de me raconter comment sa grand-mère est devenue une moudjahida – militante pour l’indépendance algérienne – qui cachait les armes des combattants et approvisionnait la résistance en fonction de leurs besoins. Puis, j’apprends plus tard que le grand portail au centre-ville de Mostaganem – d’où sont originaires mes grands-parents – n’est pas là pour faire joli, mais qu’il était dédié à exclure les “Arabes” du centre après le couvre-feu, pour que les colons puissent se retrouver entre eux.
C’est à travers cette discussion qu’on s’est rendues compte, avec ma mère, que ces témoignages deviennent rares. Ceux qui ont vécu la colonisation, la guerre, l’indépendance, se font très vieux aujourd’hui. On n’a plus que quelques années pour récolter les dernières mémoires. Alors elle me demande de le faire. Bien sûr, ça me parle. Je suis née, j’ai grandi, j’étudie en France. Mais mes racines sont ailleurs. Elles sont le fruit d’un mélange qui résulte du passé colonial français. J’ai envie d’en savoir plus à ce sujet, comprendre mon héritage et, surtout, comprendre le silence de mon grand-père. Alors je me documente. Puis, de films, en livres, en sites internet, je décide tout simplement de lancer un appel à la recherche de témoignages; l’histoire n’est jamais mieux racontée que par ceux qui l’ont vécue.
A présent, c’est par le biais de ce site internet que seront postés les témoignages que j’ai pu récolter pour le moment, avec l’aide de nombreuses personnes. Ces témoignages font en effet tous l’objet d’une contribution d’un plus jeune; un dessin, un écrit, une vidéo…
Mille mercis à Mikhaïl qui m’a aidée dans la réalisation de ce site internet. Merci pour sa patience, sa pédagogie, son temps, son partage, sa curiosité, ses talents… Le webmaster préféré de ton webmaster préféré.
Gros mercis également à Kenza à qui on doit ce beau logo, avec une vague magnifiquement dessinée, pour symboliser la Méditerranée.
Par ailleurs, tous témoignages, des deux côtés de la Méditerrannée, sont les bienvenus. N’hésitez donc pas à mobiliser vos parents, grands-parents, voire arrières grands-parents, l’objectif est de garder une trace de la mémoire de nos aînés! Vous pouvez nous contacter via recitsdalgerie@gmail.com, et nous suivre sur Instagram, Facebook et Twitter.
Farah