FILMS #5 : Hors-la-loi

Publié le 22 mars 2020

Pour cette nouvelle journée de confinement, Yasmine nous conseille le film Hors-la-loi, en rapport avec la guerre d’Algérie.

Hors-la-loi est une coproduction franco-algérienne datant de 2010 réalisée par Rachid Bouchareb. Elle retrace le destin d’une famille algérienne composée de trois frères sur une période allant de 1945 à 1961.

Suite à son film de 2006 Indigènes qui rendait hommage aux tirailleurs algériens de la seconde guerre mondiale, Rachid Bouchareb choisit de raconter l’histoire des Algériens ayant vécu la fin de la guerre et la Libération et comment le climat a relancé le mouvement de la décolonisation algérienne. Le film a par ailleurs été nominé aux Oscar et au festival de Cannes.

« Le film ne prétend ni condamner la violence, ni la légitimer »

On commence l’histoire en Algérie par l’expropriation des terres familiales qui contraint la famille à s’exiler en ville. Le film reprend les événements de la marche de Sétif du 8 mai 1945 et de sa répression sanglante, puis suit l’immigration de la famille en France où leurs vies se déroulent au sein du bidonville de Nanterre. Les trois frères ont des personnalités distinctes : Messaoud devient un combattant dans l’armée française durant la guerre d’Indochine, Abdelkader est un membre du FLN en France et le dernier, Saïd traite dans le proxénétisme et devient le gérant d’un cabaret. Malgré leurs différences les trois frères restent liés autour de la figure maternelle. Leurs valeurs s’affrontent et les divergences s’exhortent lorsque deux des frères deviennent des militants actifs du FLN et prennent part aux opérations armées.

Une question qui revient est la légitimité de la lutte armée pour l’indépendance, mais le film ne prétend ni condamner la violence, ni la légitimer. Il est simplement question de retracer la vie des personnages, leurs dilemmes internes et la montée en puissance au fur-et-à mesure de lutte pour l’indépendance, qui au début du film semble surréaliste pour au final se révéler inévitable. Le film évoque aussi les tensions entre les deux mouvements de libération algérien, le FLN qui prône la lutte armée et le MNA (Mouvement nationaliste algérien) qui pense arriver à l’indépendance par le vote démocratique.

Cependant par la violence des scènes, les exécutions froides, les répressions sanglantes, le message du film est clair : il n’y a pas de place pour un mouvement pacifiste. Ce film est violent mais aborde des thèmes divers comme les bidonvilles algériens en France, la place de la résistance algérienne sur le sol français, les français qui ont aidé le FLN et l’immigration ouvrière algérienne en France.

Est également abordée l’histoire du boxeur algérien Chérif Haima surnommé « le Kid d’Alger » et relate notamment les pressions qu’il a subi par le FLN qui refuse qu’un Algérien représente la France au championnat du monde.

« Il dépeint les souffrances subies par les Algériens »

Ce film se démarque pour moi, car il décrit la vie des Algériens vivant en France avant l’indépendance et illustre leur misère.

La réception du film a été mitigée. Sa sortie a suscité de vives critiques de la part d’historiens et politiciens, reprochant une histoire orientée qui prônerait un message dangereux. Certains historiens français ont pointé du doigt les erreurs historiques qui profitent au spectaculaire du scénario et dénonce la représentation de la marche de Sétif. Critiques à prendre avec du recul car émanant d’historiens ayant exprimé des vues pro-colonialistes et se revendiquant contre toute repentance coloniale. Des politiciens français se sont servis des erreurs historiques pour critiquer le film et le gouvernement français est exhorté de mettre en place la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie afin de « mieux approcher la vérité ».

Il y a donc eu une instrumentalisation assez forte des inexactitudes historiques du film, qui est pourtant un film de fiction s’appuyant sur des faits réels non contestés, ce qui est discuté par ses détracteurs sont en réalité des détails mineurs qui visent uniquement à faire avancer le scénario, il n’est pas ici question d’orienter un discours politique mais de retranscrire des événements de façon romancée. Selon moi, le problème que pose ce film, en France, est qu’il dépeint les souffrances subies par les Algériens victimes de tortures, d’assassinats, de dépossession en soit d’actes répondant à la définition de crimes contre l’humanité, ce qui n’a jamais été reconnu par l’Etat français.

« Une image sanglante du combat de libération algérien »

 Je me souviens avoir vu ce film à sa sortie avec mes parents au cinéma et d’avoir été très choquée par la violence des scènes. Les discours politiques m’avaient peut-être échappé à l’époque mais la violence de la répression subie par les algériens en Algérie tout comme en France ainsi que la violence utilisée par les résistants algériens dressent une image sanglante du combat de libération algérien. Il n’est pas question ici de déposer des bombes mais d’avoir recours à des assassinats méthodiques et de punir les militants algériens qui se détournent de la cause. La mort est omniprésente, ce qui crée une atmosphère froide et menaçante, où la vie reprend parfois son droit avec un mariage, une naissance, des événements rares qui ne semblent pas avoir la place dans la vie de nos protagonistes.

Une scène m’avait particulièrement touchée lors de ma première vision du film, lorsque la mère alors en fin de vie donne à son fils un sac de terre de sa ville natale d’Algérie et lui fait promettre de la déverser au-dessous de sa joue quand elle sera mise en terre à sa mort. C’est peut-être l’attache bouleversante de cette femme si fragile, si forte qui m’a touché à l’époque, comme une illustration de l’amour pour la patrie que les algériens ont dans le cœur et qui était la raison première de la lutte pour l’indépendance

La difficulté pour ces hommes de tuer au nom d’une cause est exprimée dans ce film et la décadence entre la vie de famille et la vie de résistant dresse un portrait réaliste et nécessaire de ceux qui sont devenus des martyrs célébrés après l’indépendance de l’Algérie. Une façon de rappeler que ces héros nationaux étaient avant tout des hommes qui aimaient leur famille, leur peuple et leur pays.

Par Yasmine Toumert

Vous pouvez visionner Hors-la-loi sur YouTube

PS: Les films disponibles en entier sur YouTube sont regroupés dans la playlist “FILMS” de la chaîne Récits d’Algérie