Le 13 février 1960, la France réalise son premier essai nucléaire dans le Sahara algérien. En pleine guerre d’Algérie, la France n’oublie pas l’importance de posséder l’arme nucléaire dans un monde divisé entre deux blocs. Plus que jamais, dans le contexte de Guerre Froide, les colonies sont considérées comme l’arrière-cour de la métropole, devenant le terrain de jeu mortel de la course à l’armement.
Depuis 1945, la France mène des projets de recherche en vue de se doter de l’arsenal nucléaire. En effet, les bombardements des villes d’Hiroshima et Nagasaki le 6 et 9 août 1945 changent les règles du jeu de la scène internationale. En 1957, les recherches aboutissent. La prochaine étape est alors de trouver un site d’essai.
Le choix du désert saharien est avant tout pragmatique et logistique : l’Océanie étant trop éloignée pour transporter l’arme nucléaire, l’Algérie s’impose rapidement. Le nord du pays étant peuplé et urbanisé, les espaces désertiques apparaissent comme le milieu privilégié pour réaliser de tels essais. Le 23 juillet 1957, les autorités françaises arrêtent leur choix sur le site de Reggane où est établi le Centre saharien d’expérimentations militaires (CSEM), puis sur le site de In Ecker, (à 150km au nord de Tamanrasset) qui abrite le Centre d’expérimentations militaires des oasis (CEMO) de 1961 à 1966.
Reggane, 16 février 1960, 7h04. Opération Gerboise bleue.
Le premier essai militaire, Gerboise bleue, est effectué le 13 février 1960 à 7h04. La bombe A utilisée est alors près de dix fois plus puissante que les bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki, mais de moindre intensité face à la bombe H déjà en possession des Américains, des Soviétiques et des Anglais. Quatre tirs atmosphériques sont effectués. Le rapport du Conseil à l’Energie atomique de 1960 révèle une zone de contamination s’étendant sur près de 150km. Pourtant en 2013, de nouvelles sources révèlent une contamination s’étendant jusqu’aux territoires subsahariens. De plus, le désert, privilégié pour ses espaces vides, ne se montre pas aussi désertique : à proximité se trouvent d’importants villages.
1961-1966 : multiplication des essais et nuages radioactifs en Algérie
En 1961, les essais sont établis à In Ecker. La France abandonne les essais aériens au profit d’essais souterrains. Au total, 13 essais sont réalisés de 1961 à 1966, après l’indépendance. Parmi ces tirs, quatre ne sont pas totalement contenus, laissant échapper des nuages radioactifs. L’accident de Béryl le 1er mai 1962, expose notamment les populations locales aux radiations. En mars 1962, une clause des accords d’Évian autorise les essais nucléaires français dans le Sahara jusqu’en 1967.
Aujourd’hui
Les répercussions environnementales et sanitaires restent difficiles à mesurer tant les sources et documentations manquent. Aucune campagne d’information ou de suivi médical ne sont établis au lendemain des essais. Seuls les témoignages permettent de mesurer les conséquences désastreuses de ces essais sur les individus, la faune, et la flore.
Aujourd’hui encore la radioactivité de ces espaces est indéniable. Pourtant la reconnaissance des victimes peine encore : si la loi Morin prévoyant depuis 2010 une procédure d’indemnisation pour les personnes exposées à la suite des essais français, seules cinquante personnes ont jusqu’ici réussi à monter un dossier selon Patrice Bouveret, directeur de l’observatoire de l’armement. Une seule personne, un ancien militaire algérien ayant travaillé sur le site au moment de sa fermeture, est parvenu à bénéficier d’une indemnisation. En 2022, les victimes civiles peinent toujours à faire reconnaître leurs préjudices, tandis qu’elles arrivent au crépuscule de leur vie.
Par Maïssa